HISTOIRE DE FOU
Point de vue de Danièle Weiss, 25 Novembre 2015
Point de vue de Danièle Weiss, 25 Novembre 2015
C’est le titre du film de Robert Guedigian, en salle à Paris le Mercredi 11 Novembre.
Les premières images sont en noir et blanc : Berlin en 1921. Un procès : S. Thelirian, dont la famille a été assassinée par « les jeunes Turcs » est jugé pour avoir assassiné le principal responsable du génocide Arménien : Tallat Pacha. Le jeune homme est acquitté par le jury,.Il est porté en triomphe par les Arméniens et devient leur héros de la liberté.
Puis les images du film sont en couleur : Nous sommes à Marseille en 1980 au près d’une famille de commerçants Arméniens. Les parents se sont bien intégrés comme d’autres exilés de divers pays qui habitent cette ville cosmopolite. Leur fils Aram de 18 ans est étudiant. Il est en conflit avec son père : Il lui reproche de ne pas se soucier de récupérer la terre familiale, spoliée par les turcs. Il est soutenu par sa grand-mère qui demande que ces cendres soient enterrées dans son village natale. Le jeune homme participe à un groupe révolutionnaire, luttant pour la reconnaissance du génocide Arménien. Leur choix est celui de la lutte armée. C’est aussi la période en Allemagne de la bande d’ Andreas Baader, qui utilise le terrorisme contre l’Etat Fédéral pour dénoncer le régime politique et la présence de certains criminels Nazis dans les hautes sphères de l’Etat.
Aram se rend à Paris : L’organisation le charge de faire exploser la voiture de l’ambassadeur Turc. Quelques secondes avant l’attentat, un jeune homme en vélo se faufile derrière cette voiture. Il est joyeux. Il chante. Aram hésite un instant, mais sa détermination est forte, il a accepté ce rôle et actionne la charge de l’explosif : Le jeune homme, Gilles Tessier, est projeté en l’air. J’ai associé cette image à la pièce de théâtre de Camus : « les justes » où le tireur voit un enfant à côté du grand duc et renonce à faire partir l’explosif.
Anouch, la mère d’Aram, rend visite au jeune homme blessé à l’hôpital. Ses jambes ont été sectionnées. Il est sur un fauteuil roulant. Elle lui demande pardon pour l’Arménie et lui laisse son adresse. Gilles va vivre un temps dans cette famille. Il veut comprendre, comprendre l’histoire du combat d’Aram, dont il est victime d’une manière contingente. Pourquoi a t-il été sacrifié pour une guerre qui ne le concerne pas ?
La séquence suivante, montre Aram au Liban en pleine guerre civile où les communautés de différentes religions s’affrontent. Des arméniens de Turquie fuyant le génocide sont venus se réfugier au Liban dans les années 1920. Aram fait partie d’un groupe de combattants pour la libération de l’Arménie. La discipline est stricte et autoritaire avec des règles à suivre. Aram et une jeune combattante sont obligés de se cacher pour se voir et s’aimer. L’amour et la guerre ne font pas bon ménage ! Des divisions apparaissent dans ce groupe sur la manière d’arriver à créer la nouvelle Arménie indépendante. Aram et quelques autres sont fatigués de la lutte armée et décide de partir pour passer à une autre étape.
Gilles veut rencontrer Aram. Rencontrer celui qui l’a handicapé à vie. Comprendre l’autre et son combat. Anouch et lui se rendent au Liban : La rencontre a lieu entre Anouch, Aram et Gilles. Les propos sont enregistrés pour être publiés dans un journal. Aram est à la fois ému et soulagé enfin de cette confrontation. Mais en sortant de la chambre d’Hôtel, l’histoire le rattrape : Il est abattu par un de ces anciens compagnons d’armes. Il le soupçonne de trahison.
10 ans plus tard : la nouvelle Arménie existe : Anouch et Gilles ramène les cendres de la grand-mère sur sa terre natale.
Ce récit met l’accent sur un conflit de générations dans une famille, face à un traumatisme collectif non reconnu. La première génération représentée ici par la grand-mère a la nostalgie de la terre natale. La deuxième génération, ne rêve que de s’intégrer au pays d’accueil pour avoir une vie paisible. La génération suivante, celle d’Aram, en lutte contre le silence de leurs pères, choisit la violence contre la spoliation d’un territoire national dont le peuple arménien a été victime. Leur projet est politique.
Danièle Weiss